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Le blog de la quarantaine qui approche
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1 novembre 2004

Pour que la nuit ne s'éteigne pas encore...

Un truc écrit il y a quelques semaines... Comme ça.

Ce soir, j’ai poussé la porte avec mon sachet plastique contenant une queue de lotte. J’ai ôté mes chaussures, enfilé mes chaussons. J’ai regardé dans la cuisine, personne, puis dans le salon. Il était là, figé sur notre canapé usé, matant la télé, immobile, comme un meuble. Je lui ai jeté en pleine figure mon poisson tout frais, le coup l’a assommé et il s’est affalé comme une vieille chaussette, un filet de bave sanguinolent au coin de la bouche, les membres tressaillant de derniers soubresauts.

Mort. Enfin ! Il était là avec les yeux vitreux comme du poisson pas très frais finalement, se ratatinant comme une araignée salle qui vous a hanté des soirées entières et qui tient à peine dans une feuille de papier toilette.

<>Yes ! J’avais réussi mon coup.

Puis tranquillement, j’ai repris le cours de ma préparation, coupant soigneusement des petits dès de concombre, de tomates et de poivrons multicolores. J’ai rebranché le cours de mes pensées, refaisant les rayons de mon frigo, les étagères de mon placard, vérifiant ma liste mentale de toutes ces menus choses qui rentrent dans le fonctionnement de la ménagère… banale.

Un enfant riait encore dans son bain tiède, une autre jouait dans sa chambre. Le chat miaulait parce qu’il avait faim.

J’ai encore jeté un coup d’œil dans le salon.

En fait, il n’avait pas bougé de place et attendait que son assiette soit pleine. Et moi, pauvre idiote, j’écrivais dans mon esprit ces mots, ces phrases de haine.

Tout à l’heure, c’était quasiment la même chose ; j’avais juste dit tout haut ma réflexion de l’instant, à savoir, oh, zut j’ai oublié le poisson à la caisse. Poisson acheté pour que Môssieur puisse s’adonner à un peu de passe-temps : nous cuisiner un truc oh combien délicieux.

Réplique immédiate : ma femme est naze et a une case en moins.

J’ai implosé intérieurement, contenant difficilement un raz de marée qui allait nous submerger. J’aurais du lui répliquer, un truc, comme lui, vache, pas propre, mauvais, nauséabond. J’ai juste pris l’air, l’air de rien, l’air de récupérer mon erreur, les quelques euros ainsi gaspillés.

A Inter, la nana de l’accueil a été parfaitement chouette. Elle n’avait évidemment pas retrouvé le poisson empaqueté mais m’a offert gentiment (avec l’autorisation de son boss) une nouvelle portion toute fraîche, et dans mon désarroi, j’ai retrouvé un peu de soleil.

 

J’ai pas attendu toutes ces années pour constater cette haine, souvent je la comptabilise, un peu comme on compte les moutons pour s’endormir dans les nuits tardives. Le lendemain j’ai déjà oublié, j’ai choisi soit le néant soit de bien ranger mes bombes à retardement.

Toujours, je repars au bureau après avoir réussi le marathon de tous les matins :

<>- Se lever, réveiller les mômes, les préparer,
- avaler un café, les presser, les poser à l’école,

- griller les feux oranges pour réduire le ¼ d’heure habituel de retard,

- faire un sourire aux collègues pour dire que tout va bien,

- classer les papiers, envoyer les courriers,

- rentrer dans la voiture couleur tabac froid,

- courir entre deux bouchons pour ne pas rater l’heure de la garderie,

- se retrouver devant mes légumes encore vivants, pour nourrir une famille, ou un couple qui s’est banalisé comme tant d’autres et a oublié ses trésors perdus.

Ainsi soit-elle cette vie !

<>Parce que j’ai gardé la carte de l’île,
pour en retrouver son trésor,

même si l’encre reste invisible,

ou totalement illisible,

ces derniers temps…

J’écris. Je continue. Demain, je recommencerai.

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P
Tu as droit à ton jardin secret où tu seras loin de toutes tes contraintes et rancoeurs. La rancoeur ne fait que gâcher l'instant présent...
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