Souvenirs

Je me souviens quand je rentrais dans cette chambre, les trois lits tenaient toute la place, mais on avait réussi à mettre sur le mur du fond un vaisselier qui avait en son coeur deux biches se regardant. Les rideaux étaient vert pâle et dissimulaient des assiettes ternies par le temps, des tasses au liseret or écaillé, des plats ébréchés. En bas, il y avait de vieilles boites à chaussures renfermant des trésors de carterie, des timbres sans aucune valeur aussi, des chocolats roses de n'avoir pas été mangés.
Les édredons étaient démesurément gros, mais ne sachant cacher les sommiers irrisés de cette toile que je trouvais au reflet du presque sale, du pas très net.
Avec la lumière de l'unique lampe de chevet, forme tulipe, les couches n'étaient pas forcément accueillantes et il fallait pourtant se résigner à y dormir quelques séries de nuits, pour être auprès de ces grands parents si lointains.
Au matin, il n'était jamais simple de retrouver un peu de lumière, car les terrils imposants et silencieux surmontaient toute la campagne de leur ombre noircie par l'abandon. On avait beau enluminer les secondes en racontant les légendes de famille, de celles venues de Pologne pour creuser un sol riche étranger, restées coincer dans les rangées de maisons identiques.
Le plus compliquer : comprendre le dialecte et ne pas pleurer tout le temps. Même à quelques centimètres de ma mère, dans ce pays, je me sentais esseulée...